mercredi 21 avril 2010

LES COMEDIENS DE LA CAVE : HERVE FURIC


HERVE FURIC prête sa voix au journaliste radio.

La cave, de Caroline de Kergariou
Fermez les yeux.
Rouvrez-les. Vous êtes dans le noir.
Sur ce thème Caroline de Kergariou a ciselé une petite pièce à savourer, les yeux crevés coulant sur les joues.
Une jeune fille, Chloé, attachée à un mur entend la voix d’une autre captive, Valentine, probablement du même âge. Enlevées, sans doute. Par des amateurs de chair fraîche, probablement.
Une voix « hors », jaillie d’un transistor, distille les informations du monde, évoque ces disparitions, révèle des découvertes de cadavres d’adolescentes. Les deux voix prennent réalité physique. Elles sont décrites. Pas besoin de fermer les yeux : magie évocatrice de la radio.
Et puis, il fait déjà si noir.
Prétexte, l’action, le sujet.
Le rôle principal est tenu par le noir.
Noir de l’enfance, de la cave, du « cabinet noir » où médite le puni, quelques minutes ou plus longtemps selon l’état mental de la grande personne qui l’a ainsi relégué.
Noire, l’innocence apeurée, qui se raffine et trouve jouissance dans sa propre peur puis, par affection, ensuite dans celle des autres ?
Noir, le monde de la cruauté, de l’avilissement qui abolit le temps, la protection, le discours sur la dignité de l’homme.
Dans le noir, l’autre jadis si arrogant et si dépourvu d’amour et de désir de dépassement.
Et lumineux, ce pouvoir-torche de celui qui détient la clef.
Une heure avec soi-même, dans l’obscurité annonciatrice du cercueil où les regrets cogneront aux quatre coins comme un moustique emporté lors de la mise en bière, une heure dans le noir avec sa noirceur, sa peur de vivre, la terreur de la cécité étendue aux yeux.
Madame de Kergariou est bien cruelle.
Et son théâtre, d’une diabolique efficacité.
Le dénouement ne compte pas. La nuit ne finira pas.
Kenza Berrada, Macha Kouznetsova, Juliette de Sansal (enfin Sade!) et Eric Noirmain osent ne pas être des corps ou presque pas, le temps d’un clignement. Hervé Furic prête sa voix aux communiqués d’un « Franc, c’est faux ! » de T.S.F.
On ne ressort pas intact de cette fosse. Mille serpents de la mémoire vous auront mordu.
Caroline de Kergariou y réussit à chaque fois.

Christian Morel de Sarcus

Théâtre du Nord-Ouest, cycle « Des prisons et des hommes ».

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